Joseph O’ Connor « Dans la Maison de mon Père »

Un Héros Ordinaire face au Nazisme: l’histoire véridique du Père O’Flaherty , Irlandais, qui sauva 5000 Juifs durant la nuit de Noel 1943 à Rome.

De tous temps, l’Irlande nous a donné de grandes plumes qui souvent devinrent de grands classiques. Ce furent au siècle dernier, James Joyce et son » Ulysse », Oscar Wilde et son « Dorian Gray », Samuel Beckett et son « En attendant Godot » ou le pacifiste Georges Bernard Shaw, Prix Nobel en 1925 et ses pamphlets célèbres. Mais ce furent aussi plus près de nous, de très belles voix féminines, Edna O’Brien, Nuala  O’ Faolain, Claire Keagan, ou enfin  Colum McCann ou John Banville. Excusez du peu !

 Joseph O’ Connor fait partie du dessus du   panier de cette littérature ample, féroce, vivante, humaine,  bouleversante, âpre souvent, frère jumeau d’un Ken Loach au cinéma. J’ai dans le passé beaucoup aimé, « Muse », » Inishowen » ou « Desperados ». Il revient aujourd’hui avec un livre choral  magnifique « Dans la maison de mon  père « 

Cette histoire au fond véridique, retrace un épisode méconnu de la dernière guerre… Enfin, celle de 1940 !

 Hugh O’ Flaherty est un prêtre Irlandais, peu conventionnel. Grand et costaud, amateur de Rugby et de Boxe, ne dédaignant pas comme tout Irlandais qui se respecte, de boire une pinte de  bière ou de donner le coup de poing quand il le faut, il est détaché par l’Irlande Catholique au Vatican. Il y a des responsabilités, à un échelon haut placé, c’est un Monsignore ! Nous sommes en 1943, l’Italie est régentée par les fascistes de Mussolini, bien aidés par les gestapistes nazis qui quadrillent Rome. Mais Rome, ce n’est pas le Vatican, petit territoire, neutre, et libre, à peine démarqué par une ligne fictive à ne pas franchir.  Son   souverain est le pape Pie XII, pontife tant décrié par l’Histoire. Dans ce livre qui résonne d’authenticité, nous suivons sur un rythme haletant, le combat du père O’ Flaherty bien décidé à écouter sa conscience et à contrecarrer l’histoire horrifiante de la déportation des Juifs, en bâtissant de toutes pièces un réseau complexe , varié et bigarré, propre à  concrétiser le sauvetage de 5000 à 6000 Juifs, en les exfiltrant, récoltant par de multiples filières  la logistique et l’argent  nécessaire. Dans ce Rome occupée par les nazis, règne en maître l’Hauptsturmführeur  Paul  Kappler et ses sbires, qui se dresse en rempart féroce contre  le prêtre Irlandais, prêt à le coffrer.

Bati comme un véritable Thriller, on avale cette histoire méconnue, implacable. O’ Flaherty va bâtir son réseau, impénétrable où l’on va retrouver dans une fine équipe l’ambassadeur britannique au Vatican, Sir d’Arcy, le Major Sam Derry, la chanteuse Irlandaise Delia Kiernan, Angelucci le marchand de journaux, la Comtesse Giovanni Landini, la journaliste Marianna de Vries . Au travers de fragments de témoignages reconstitués et fictifs, informellement enregistrés, tous ces personnages, qui ont réellement existé, se retrouvent au sein d’un Chœur, véritable machine infernale ultra sécurisée et cloisonnée , prête à réaliser ses buts, sauver des Juifs, la nuit de Noël 1943.

Le livre se décline en plusieurs fragments d’interviews plutôt que de chapitres s’apparentant à des témoignages, combinés au récit romancé du prêtre. L’écriture de Joseph ‘O’connor est épatante, changement de styles selon les personnages, formulations imparables, dialogues féroces et croustillants, et l’humour noir véritable patte de cet auteur si talentueux. Il y a beaucoup d’émotions en marge du suspens comme en témoigne la fin de cette histoire. Impossible de tout résumer, tant il y a de pistes à suivre.  Joseph O’ Connor se défend d’avoir voulu écrire un livre d’histoire, une enquête. Et pourtant, force est de constater que tout ce qui est historique est    véridique dans la   trame de fond, je me suis amusé à confronter les points d’histoire sur lesquels il s’appuie et qui sont tous exacts.

Après la guerre, le père Flaherty, dont le courage et les exploits ne furent découverts que sur le tard, refusa tous les honneurs, mettant même sa foi à convertir au catholicisme le Chef Nazi dans sa cellule ! Voilà, il y a des héros, simples et méconnus, ce prêtre Irlandais en est un. Dernier point, au- delà de l’événement historique, O’Connor, excelle comme un remarquable portraitiste.

Vous l’avez compris, au-delà de cette histoire brillante, qui nous laisse scotché par tant de réalisme, on apprend une multitude de choses sur l’Italie fasciste,   le rôle du Vatican.  Et l’auteur, s’il est irlandais comme son héros, n’en connaît pas moins bien Rome aussi bien que Dublin, nous baladant, que dis-je, nous essoufflant en nous faisant courir, haletants,  sur les pavés des ruelles de Rome qu’il connaît mieux que sa poche.

Ne boudez pas votre plaisir, rejoignez le Chœur du père O’Flaherty. Impossible de ne pas vous perdre et vous fondre à la fois dans cette histoire, dont bien des aspects nous rattachent aux tristes moments que  notre actualité nous fait vivre, y joignant le tour de force de nous laisser envahis par une bouffée d’optimisme sur l’espèce humaine.

Historiquement recommandé. Pour ne pas oublier. 

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