"Dans cette vie qui vous apparait quelque fois comme un grand terrain vague sans poteau indicateur, au milieu de toutes les lignes de fuite et les horizons perdus, on aimerait trouver des points de repère, dresser une sorte de cadastre pour n'avoir plus l'impression de naviguer au hasard. Alors on tisse des liens, on essaye de rendre plus stables des rencontres hasardeuses". Patrick Modiano (Dans le café de la jeunesse perdue)
A propos
« Il faut mettre sur la même ligne de mire la tête, l’oeil et le coeur ».
Henri Cartier-Bresson
Amis, Amis d’un jour ou Amis de toujours, Lecteurs amis croisés au hasard d’un forum, d’un blog, d’un commentaire, d’une rencontre, d’un débat, Lecteurs d’un soir ou lecteurs réguliers, je vous salue.
Ça devait bien arriver un jour, mes chroniques (longues !) littéraires, mes articles, mes coups de cœur, il me fallait les regrouper dans un seul et même endroit, pour les classer, les catégoriser, les répertorier, ne pas prendre le risque de les perdre un jour. Pour moi tout d’abord, car c’est un travail personnel. J’ai besoin de continuer de réfléchir, de développer mes connexions neuronales, l’âge aidant, les années passant, mon cortex limbique devient moins vaillant ! Réfléchir sur un livre, sur un texte, un écrit, un essai, m’est devenu nécessaire. C’est donc l’objet de ce blog, un de plus vous direz vous. Certes, sauf que celui-là, c’est le mien, et que m’y retrouveront ceux qui le souhaitent, qui le veulent bien, ceux qui ne me connaissent pas encore et ont envie de me connaitre, ceux qui ont envie de partager mes coups de cœur, les commenter, les contester, ceux qui ont envie d’y mettre les leurs et donc se faire connaitre à leur tour. Ceux qui aiment l’écrit, le livre, la lecture.
Un livre peut-il à lui seul changer le monde ? Certainement. Un livre peut-il nous transformer soi-même, encore plus certainement. J’y crois, j’en suis convaincu.
Lire délivre.
Dans un monde où tout se dématérialise, jusqu’à nous même, jusqu’à nos propres personnalités, il me parait nécessaire, à mon niveau , de travailler, commenter, lire et écrire sur ce que je lis et qui peut incidemment faire du bien à d’autres. Comme cela peut paraitre présomptueux, et pourtant pas du tout, cela ne l’est pas. Lire c’est résister autant que faire se peut, à l’envahissement de nos vies par l’Intelligence Artificielle (ou la BU, la bêtise universelle !)
Comme Blogueur, Je propose, ceux qui me liront disposeront ou resteront, c’est selon.
Les forums sur le livre et la lecture, se multiplient sur les réseaux, certains pertinents animés par des modérateurs brillants, convaincus, efficaces, d’autres moins, inutiles, superflus, empilage de bavardages et pipotages sans intérêt, je suis sur certains, j’aime y être et j’y resterai, mais, on zappe une chronique qu’on a aimé lire et qu’on ne retrouve plus. C’est le culte de l’immédiateté en tout. Il faut aller vite, car v(n)otre commentaire va se retrouver englouti dans la masse des autres, pas toujours nécessaires d’ailleurs. Ici, chez moi, comme je pense chez tous les blogueurs, on pourra relire une chronique, s’inviter à découvrir un roman, un récit, un essai, y revenir après l’avoir lu, en donner son jugement et son ressenti. C’est le but du jeu.
Pourquoi ce titre, « Lignes de Fuite » ?
Il s’est imposé à moi très vite. Il s’est confirmé à moi tout aussi vite, sans beaucoup réfléchir.
Une ligne de fuite c’est avant tout un terme d’architecture, « le croisement d’un plan qui passe par l’œil du spectateur avec le plan du tableau ». En photo, c’est aussi une ligne qui va guider l’œil du photographe vers un point donné pour lui donner davantage de profondeur et amplifier la perspective. Pourquoi ce titre s’est rapidement confirmé à moi, inconsciemment peut être ?
Gilles Deleuze est un philosophe qui me parle, Henri Laborit un neurobiologiste un peu oublié aujourd’hui, aussi. Francois Truffaut un cinéaste qui m’accompagne depuis toujours.
Deleuze est un créateur de concepts, d’assemblages, de connexions, je ne comprends pas tout, lorsqu’il parle ou lorsqu’il écrit, même s’il me captive quand je l’entends. « On écrit toujours pour donner la vie…pour tracer les lignes de fuite. Pour cela, il faut que le langage ne soit pas homogène, mais un déséquilibre, toujours hétérogène : le style creuse des différences de potentiels entre lesquels quelque chose peut passer, un éclair … va sortir du langage même ».
Voilà une idée qui me plait, le livre, l’écrit vécu comme une fulgurance.
Le deuxième auteur qui me touche c’est Henri Laborit dans son livre « Éloge de la Fuite ».
Henri Laborit est un neurobiologiste, très connu dans les années 70-80, inventeur du premier Neuroleptique dans les années 60, ce qui n’est pas un fait d’arme dont il était particulièrement fier. Il en avait d’ailleurs fait son autocritique. Il est connu du grand public pour avoir été la source d’inspiration du film d’Alain Resnais « Mon Oncle d’Amérique ». La lutte, la douleur, l’inhibition de l’action, causent du stress, de la souffrance, la solution c’est la fuite. Pas la fuite par couardise. La fuite pour se réinventer. Le livre, l’écrit, la réflexion nous y aident.
Il a marqué mon adolescence et ma vie de jeune adulte. Il représente tout ce que j’aime, l’écriture, la lecture, la critique, le cinéma. Francois Truffaut m’accompagne encore aujourd’hui, lui qui a écrit tant de lignes et filmé « l’Amour en fuite ». Tout ce qui m’a conduit à tâtonner pour faire ce Blog. Je l’évoque toujours avec beaucoup d’émotions.
Il y a 40 ans j’ai eu la chance de passer avec mon épouse une semaine dans une communauté au Nord Est de l’Ecosse » Les jardins de Findhorn », communauté qui existe toujours. Nous y avons fait la rencontre d’un sacré personnage, Jorge Milchberg, accueilli comme nous pour une semaine de découverte. Nous sommes devenus, un temps, amis. Jorge, aujourd’hui décédé, chacun le connait , il a fondé il y a un demi-siècle un groupe de musique amérindienne fameux, Los Incas. Et si ce groupe ne vous dit encore rien, vous en connaissez forcément un de leurs titres emblématiques « -El Condor Pasa » qu’il avait ressuscité et adapté du patrimoine péruvien, avant que cette musique ne soit adaptée par Paul Simon avec le succès que l’on sait. Ce merveilleux joueur de charango, m’avait dit un jour, tu vois mon ami, ce qui a le plus compté dans ma vie, et il joignait le geste ample à la parole fleurie, « c’est d’apporter du bonheur à 50 cms autour de moi ». C’est déjà pas si mal.
Ce blog s’inscrit dans cette démarche-là, celui de faire partager des livres aimés autour de moi. Il s’inscrit aussi dans cette tendance active du moment, où l’on voit à travers le monde se multiplier une contestation du numérique par l’explosion de groupes de lecture, les expériences de lecture publique ou à voix haute dans les collèges, les lycées ou dans la rue, les créations de café philo ou de bars lecture, ou même dans les prisons brésiliennes, de voir pénétrer le livre dans les cellules et des remises de peine de 4 jours après lecture et rédaction d’un résumé du livre. Le livre change, fait changer, fait bouger, fait résister au marasme ambiant, aide à contester, à réclamer autre chose de façon pertinente, les écrivains ont toujours dérangé les pouvoirs. Plus que jamais désormais. On le voit avec l’Iranienne Narges Mohammadi, le franco-algérien Boualem Sansal, ou le Turc Ahmet Altan, la Cancel culture, ce n’est plus le numérique même si on ne nie pas, ni son usage ni son utilité, mais la lecture replace l’église au milieu du village !
Alors, amis blogueurs, amis lecteurs qui aimez les chroniques courtes , les jugements hâtifs et les critiques serrées, passez votre chemin. Ici on aime s’étaler , prendre du temps, ne pas sacrifier à la concision, parce que, j’ai besoin de temps et d’espace pour organiser ma pensée, mes goûts, ma bibliothèque intérieure.
Amoureux des livres vous êtes ici chez vous.
Il y aura donc plusieurs rubriques, dès le départ, en sachant que peu à peu, l’ensemble s’il est jugé bon et utile évoluera bien sûr.
Sinon, tant pis, il se dissoudra de lui-même et deviendra un corps gazeux.
« Ligne de mire » présentera le livre du moment, qui peut être long ou court selon ma rapidité de lectures, selon mon intérêt aussi du moment.
« Pleines lignes » regroupera l’ensemble des chroniques déjà parues, déjà commentées, déjà dépassées par la ligne de mire.
» Lignes d’En-but« : Il n’y a pas que les romans, les BD, les Poèmes, les textes libres. il y a aussi les essais. Et ceux qui seront transformés figureront ici, avec, des notes de pages, des liens, des commentaires et des partages. .
« Lignes brisées », ce sera surtout pour des chroniques négatives. Sur les forums on chronique d’abord en positif, histoire de susciter l’engouement du lecteur, pas de le décourager. Là, je pourrais y aller de quelques traits assassins sans froisser personne.
« Poing à la ligne » sera une rubrique d’humeur, pas forcément sur un livre, mais sur un évènement du moment, une réaction épidermique, un commentaire d’actualité par exemple.
« Lignes d’Horizon « ce sera pour vous amis lecteurs, blogueurs, commentateurs, j’aimerais que ce site soit ouvert à de fines plumes avec qui je partage de bons moments sur les forums et dont je voudrais que les chroniques, souvent magnifiques, somptueuses, argumentées, puissent continuer de se déployer ici même, ne pas être ensevelies dans l’oubli et garder toute leur lisibilité. Qu’elles puissent se partager avec ceux qui ne vont pas sur les réseaux.
Enfin sur « Lignes au Trésors », je mettrai, vous proposerez, des images, des photos, des dessins, des vidéos, autour du livre, d’une bibliothèque, d’un graphisme ayant trait au livre.
Enfin j’ai aimé ajouter une rubrique « Medias et Videos… en ligne« , amener des liens, des temps de réflexion que des critiques, des journalistes bien plus pointus et cultivés que moi, sauront apporter pour nous faire, comme l’écrit si bien Michel Serres, devenir chaque soir un tout petit plus intelligent.
Et voilà c’est déjà par mal pour débuter. Tout ça s’étoffera peu à peu et les maladresses de jeunesse disparaitront.
Alors prêts, à vos marques (pages), partez !
Ne jamais perdre de vue le graphique d’une vie humaine, qui ne se compose pas, quoiqu’on en dise, d’une horizontale et de deux perpendiculaires, mais bien plutôt de trois lignes sinueuses, étirées à l’infini, sans cesse rapprochées et divergeant sans cesse: ce qu’un homme a cru être, ce qu’il a voulu être, et ce qu’il fut.